Chronique architecturale | Le patrimoine rimouskois dans l’actualité | Été 2022
Plusieurs bâtiments rimouskois se sont retrouvés au cœur de l’actualité des dernières semaines! Pour cette chronique, nous proposons un tour d’horizon de l’histoire architecturale du Grand Séminaire, de la Gare de Rimouski, du Couvent des Sœurs de Notre-Dame du Saint-Rosaire et du Musée régional de Rimouski
Gare de Rimouski
La construction de l’Intercolonial railroad débute à Rimouski en 1869, suivant la signature de la Loi constitutionnelle. La création d’un chemin de fer reliant toutes les provinces était une condition de l’entente créant le Dominion du Canada. Le bâtiment actuel, inauguré en 1937, est la troisième gare dont Rimouski fut doté. La nouvelle construction et la démolition de la précédente furent motivées par l’augmentation du trafic ferroviaire, illustrant une période de grand développement économique de la région.
La gare est de style Arts and Crafts, qui est un mouvement artistique s’inscrivant en réaction au dépouillement ornemental causé par l’industrialisation. En architecture, il est caractérisé par l’usage de matériaux et techniques traditionnels et d’une concordance entre la forme du bâtiment et sa fonction, créant des édifices uniques.
La gare est alors composée d’un corps central rectangulaire avec une avancée vers la rue, tandis que sur la façade sud se dégage le bureau du chef de la gare avec ses fenêtres pour observer les trains et les passagers. Lors de sa construction, l’intérieur y est divisé en une « salle pour les hommes, un bureau pour la vente de billets, un bureau pour le télégraphe, une salle pour les dames et un bureau pour les messageries (Express)». Son toit en croupe à larmier légèrement cintré, ses deux marquises sur la façade nord soutenues par des aisseliers et l’usage de deux matériaux pour son recouvrement extérieur en sont des éléments distinctifs.
La gare est un des lieux centraux des villages autour duquel s’arrime le quotidien des habitants. Ce faisant, en plus d’être un bâtiment intéressant pour son histoire et son architecture, il est également un lieu de mémoire important. La Ville de Rimouski a annoncé récemment en être le nouveau propriétaire.
Grand Séminaire
L’apparence que l’on connait au bâtiment date de 1946. En effet, déjà présent sur place dans les anciens bâtiments de la maison Sainte-Thérèse, destiné aux retraites fermées féminines, le Grand Séminaire de Rimouski est agrandi dans ces années selon les plans de l’architecte Albert Leclerc. Ce dernier, originaire de L’Islet, est également connu pour le Couvent des Sœurs du Saint-Rosaire et l’Église Saint-Yves. La hausse du nombre d’étudiants en théologie, alors chiffré à une vingtaine de séminaristes, explique les travaux. La nouvelle aile vient doubler l’espace. En 1973, la formation du clergé migre au Grand Séminaire de Québec. Malgré tout, celui de Rimouski continuera sa mission éducative et pastorale jusqu’à aujourd’hui. Il loge actuellement des étudiants, professeurs, patients et prêtres à la retraite.
Le style du Grand Séminaire de Rimouski est caractéristique de l’architecture religieuse de l’époque. Il s’inspire du courant développé par l’architecte et religieux Dom Bellot dans les années 1930. Ce style est caractérisé par des proportions rigoureuses et une utilisation logique des matériaux qui forme « à la fois la structure et le décor ». Au Grand Séminaire de Rimouski, c’est l’utilisation de la brique, la présence de contrefort, les motifs en encorbellement et les détails de l’ébrasement du porche, tout comme le campanile qui couronne l’édifice qui témoigne de ce style.
Après que la Ville de Rimouski ait annoncé son intention dans son plan d’action 2022 de protéger le Grand Séminaire, l’intention du propriétaire de le mettre en vente, tout en protégeant son aspect ancien, a été connu du public par les médias.
Monastère des Sœurs de Notre-Dame-du-Saint-Rosaire
Les Sœurs du Saint-Rosaire, anciennement les Sœurs de Petites-Écoles sont créées en 1879 à Rimouski, mais ce n’est qu’en 1907 qu’elles déménagent dans la partie centrale de l’actuel monastère. Les plans sont dessinés par le chanoine Georges Bouillon, qui sans étude d’architectes le devient à force d’exercer. Ce dernier, né à Saint-Germain de Rimouski en 1841, il réalisera de très nombreuses œuvres au Québec et en Ontario, inspiré par l’architecture vue lors de ses voyages en Europe et du néogothique.
Ce qui fait la particularité du couvent est la symétrie des très nombreuses ouvertures, ainsi que la sobriété de l’ensemble et l’usage de la pierre gris foncé. La partie est du bâtiment sera construite en 1939 et le côté ouest en 1957. Le verger devant le monastère, témoin de l’héritage agricole des sœurs, est le premier qu’elles constituèrent.
La chapelle décagonale à l’arrière du monastère, avec sa structure de métal, est érigée en 1956 afin de pouvoir accueillir plus de religieuses. Les plans sont d’Albert Leclerc, le même architecte qui a conçu le Grand Séminaire. Les trois arcs du chœur représentent le diadème de Marie et chacun évoque un mystère du rosaire, soit la nativité, la crucifixion et le couronnement de Marie. Des grains de chapelet se rencontrent sous la clef de voûte.
Le Monastère des Sœurs du Saint-Rosaire a été cité dans les derniers mois par la Ville de Rimouski et Serviloge a partagé des détails d’un projet d’envergure pour sa requalification.
Musée régional de Rimouski
Lorsque l’église de bois construite en 1790 devient trop petite et en trop mauvais état, l’idée d’en construire une en pierre qui contiendrait le double des bancs est lancée. L’essentiel de la construction se fait entre 1824 et 1826, puis l’architecte-sculpteur Thomas Baillargé amorce la décoration. Le bâtiment est construit en pierre des champs avec un toit pentu et sur un plan simple de forme rectangulaire sans transept. La sacristie est construite en premier afin d’y réaliser des messes le plus rapidement possible.
Le bâtiment est désacralisé peu de temps après, en 1862 au profit de la Cathédrale Saint-Germain de Rimouski. L’ancienne église servira alors de collège administré par le Séminaire de Rimouski. Ce sont en partie les élèves qui feront des travaux sur le bâtiment pour le rendre plus adapté à sa nouvelle vocation, dont mettre le clocher par terre. Le bâtiment deviendra ensuite la résidence des Sœurs des petites écoles, pour être occupé de nouveau par le séminaire après un incendie. Lorsque ce dernier est reconstruit, les religieuses y retournent de nouveau jusqu’en 1907. Après leur départ, les Sœurs de la Charité lui redonnent sa vocation d’éducation et modifient le bâtiment en y ajoutant un revêtement gris et un toit plat. Méconnaissable, on l’appellera alors le « Couvent gris ».
C’est en 1969 que l’École technique de Rimouski acquiert le bâtiment pour une somme symbolique et créer par la suite la Corporation du Musée régional de Rimouski. Après une recherche de financement, des travaux importants sont amorcés pour redonner son aspect original au bâtiment tout en l’adaptant à sa nouvelle fonction moderne de musée. C’est l’architecte Gaston Martin qui dessine les plans et en fera une réalisation phare de sa carrière. Le musée ouvre officiellement en 1972. Toujours utilisé et adapté, malgré les difficultés d’y habiter, ce bâtiment est témoin de la ténacité de ses habitants. Le Musée régional de Rimouski est maintenant l’un des emblèmes de Rimouski. Dans les dernières semaines, le financement pour réaliser un carnet de santé du bâtiment a été annoncé afin de cibler les travaux d’entretien et de rénovation qui devront être faits pour le garder en bon état.
Ces 4 bâtiments témoignent à eux seuls du développement urbain de Rimouski. Ils représentent l’importance du milieu éducatif, l’apport des congrégations religieuses et de leurs services aux publics, les travaux d’architectes marquants et des courants architecturaux phares aux Québec et ailleurs, ainsi que l’importance du chemin de fer, tout en matérialisant dans l’espace les manières de vivre d’autrefois.
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