Chronique architecturale | Église Sainte-Agnès
L’église Sainte-Agnès s’est retrouvée au cœur de l’actualité des dernières semaines avec le dévoilement du projet immobilier projeté pour ce site. Nous proposons un retour sur l’histoire de cette église et de ce quartier.
La croissance démographique et économique de Rimouski, ainsi que la montée de l’automobile fait en sorte qu’une partie de la population délaisse les quartiers centraux pour la périphérie de la ville. Le quartier Sainte-Agnès en est un agricole au début des années 1930, mais rapidement le bord de l’eau s’urbanise, faisant le lien entre Saint-Germain et Rimouski-Est. C’est en 1949 que la rue Léonidas est ouverte à la jonction de deux terres agricoles dont les possesseurs se nomment Léonidas. Après le Grand Feu, le quartier connait une expansion significative et est occupé par 342 familles. La paroisse de Sainte-Agnès est alors créée en 1956, détachée de Saint-Yves et Saint-Germain.
La création d’une paroisse suppose la présence d’une église. Jules A. Brillant fait don du terrain pour sa construction. C’est ainsi qu’en janvier 1957, les plans de l’architecte Edgar Courchesne sont soumis à près d’une centaine de paroissiens dans une salle de l’École Léonard, selon le Progrès du Golfe du 18 janvier 1957. Après cette réunion, les plans sont étudiés par la Commission d’art sacré de l’Archevêché de Rimouski pour être approuvés. L’église aura une capacité de 700 places pour des coûts de 150 000$. En plus d’un prêt, des activités de levées de fonds, tels que des parties de cartes, sont organisées afin d’amasser de l’argent pour construire et équiper l’église. En attendant son ouverture, les messes sont célébrées par la curé Alcide Côté dans une chapelle temporaire installée à l’École Léonard.
Edgar Courchesne (1903-1979) est un architecte québécois connu pour ses églises, presbytères et édifices publics. Il étudie auprès d’architectes avant d’entrer à l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris en 1930. Après ses études, il va s’instruire directement auprès de l’architecte Dom Paul Bellot, qui donna le nom à un style d’architecture religieuse moderne. Courchesne popularisera ce style au Québec et en sera le fier représentant et promoteur. L’église Sainte-Agnès est de style Dom Bellot, construit avec toute l’expérience qu’il a acquise au courant de sa carrière. On y voit des similitudes avec le reste de son œuvre, notamment, l’église de Sainte-Félicité. L’architecture Dom Bellot est caractérisée par des proportions rigoureuses et une utilisation logique des matériaux qui forment « à la fois la structure et le décor ». L’ornementation est le plus souvent limitée aux motifs des matériaux eux-mêmes et à la polychromie. Comme l’église Sainte-Agnès, cette architecture utilise des arcs pour créer les nervures de voûtes. Le Grand séminaire de Rimouski est également de style Dom Bellot.
Les artistes Marcel Gendreau et Claude Théberge (1934-2008) vont exécuter les scènes religieuses du décor de l’église. Ces œuvres datent du début de la carrière de Claude Théberge, originaire du Bas-Saint-Laurent. Il sera surtout connu pour sa peinture, ses murales et ses sculptures présentes dans l’espace public, notamment dans des stations de métro, le Parlement et le Capitole. Élève de l’École des Beaux-arts du Québec entre 1950 et 1954, il fonde un atelier dédié à l’intégration de l’art à l’architecture en 1960 avec une dizaine d’artistes, dont Marcel Gendreau. Il est influencé par les courants artistiques d’abstraction, figuration, symbolisme et surréalisme.
Maintenant le quartier Sainte-Agnès est intégré à Rimouski et fait partie, au fil des années, d’un ou l’autre des districts électoraux. L’église est une des dernières traces qui marque la présence d’une paroisse distinctive pour Sainte-Agnès dans le paysage rimouskois.