Plusieurs bâtiments anciens de Rimouski se sont retrouvés dans l’actualité des dernières semaines. Retour sur l’histoire des Ateliers Saint-Louis, de l’Édifice Paul-Émile Gagnon et de l’ancienne École moyenne d’Agriculture.

 Les Ateliers Saint-Louis

Au printemps dernier est annoncée la vente à 1$ des Ateliers Saint-Louis avec comme date butoir 30 septembre. Après cette date la démolition et non-préservation des composantes patrimoniales du bâtiment pourront être envisagées. À la fin du mois de septembre, le Comité de sauvegarde des Ateliers Saint-Louis dépose à la Ville un projet d’occupation transitoire nommé le Lab des Ateliers. Voici un retour sur l’histoire du bâtiment qui fêtera son centenaire dans 2 ans.

C’est en 1924 que la commission scolaire de Rimouski confie l’enseignement des garçons aux Frères du Sacré-Cœur. La communauté s’installe la même année dans la nouvelle construction que nous appelons aujourd’hui les Ateliers Saint-Louis. Le manque de place se fait rapidement sentir et le bâtiment sera agrandi à l’arrière en 1929. Lorsqu’on regarde les photographies d’archives, l’école est isolée et entourée de terrains vacants. Sa situation l’a probablement aidé à être épargné par le Grand Feu de 1950, n’ayant pas de voisin pour le propager. Dans les années 1960, avec le rapport Parent, les Frères cèdent leur place à des enseignant·es laïc·ques. Plusieurs générations de Rimouskois ont fait leurs premières classes dans cette école. De 1980 à 2005, l’édifice, acquis par la Ville de Rimouski et rebaptisé les Ateliers Saint-Louis, sert de centre communautaire. Puis, jusqu’en 2007, le Conservatoire de musique de Rimouski utilise le bâtiment durant les travaux de réfection du centre civique, devenu le centre culturel. Le bâtiment n’est plus occupé depuis 2011 et cesse d’être chauffé 3 ans plus tard.

Le bâtiment est conçu par l’architecte Pierre Lévesque, originaire de La Pocatière. Il commence sa carrière par un stage chez son oncle et père adoptif, l’architecte de renom David Ouellet. Il travaillera notamment sur les plans de l’aile Notre-Dame des Anges et une infirmerie de l’Hôpital Général de Québec et l’aile des Remparts du Monastère des Augustines de Québec, mais aussi de l’actuel Cégep de Rimouski et École moyenne d’Agriculture!

L’école s’inscrit dans le développement de Rimouski au tournant du 20e siècle et dans l’arrivée des communautés religieuses enseignante à Rimouski. L’architecture scolaire de l’époque s’inscrit alors dans celle religieuse et conventuelle. Les plans des bâtiments sont simples,  avec une unique grande porte en façade. Les classes et les bureaux sont situés de part et d’autre d’un corridor traversant le bâtiment. L’école est un lieu d’encadrement physique et moral, et cela transparait dans l’architecture, avec l’allure austère et imposante des façades. Malgré une architecture sobre, le fronton et le campanile qui couronne le bâtiment confèrent une prestance à l’édifice. Dans son contexte, les Ateliers Saint-Louis s’insèrent dans une trame urbaine composée en grande partie de bâtiments ayant eu ou ayant toujours une vocation scolaire : École des arts et technique, école de commerce, Séminaire, Grand Séminaire et École moyenne d’agriculture. Le tout vient témoigner de l’importance du secteur de l’éducation dans l’histoire de Rimouski.

L’édifice Paul-Émile Gagnon

Tout récemment Telus a annoncé la vente d’un de ses bâtiments emblématiques en raison de la croissance du télétravail: l’Édifice Paul-Émile Gagnon, situé sur l’avenue de la Cathédrale. Retour sur son histoire.
En 1923, Jules. A. Brilliant, qui deviendra un célèbre homme d’affaires de Rimouski, achète le Crédit municipal canadien qui assurait l’approvisionnement en électricité depuis 1905 à Rimouski. Il la renomme Compagnie du Pouvoir du Bas-Saint-Laurent et fait construire l’Édifice Paul-Émile Gagnon pour l’y loger. La Banque de Montréal occupe une partie du rez-de-chaussée en 1926.
Dans les années 1960, on assiste à la Révolution tranquille et à la nationalisation des compagnies d’électricité avec le mouvement « Maitre chez nous » promu par Jean Lesage, René Lévesque et les libéraux nouvellement élus. La Compagnie du pouvoir est donc achetée par l’État et Hydro-Québec construit un bâtiment en bordure de la rivière Rimouski. L’Édifice Paul-Émile Gagnon a alors besoin d’une nouvelle vocation. La Compagnie Québec Téléphone, issue de l’achat, en 1927, par Jules A. Brillant de la compagnie de Téléphone national croit en raison de l’achat de plusieurs petites compagnies. La première centrale téléphonique construite en 1927, presque en face de l’édifice Paul-Émile Gagnon, encoffré dans l’actuel 155, avenue de la Cathédrale, ne suffit plus. C’est en 1967 que la compagnie acquiert l’Édifice Paul-Émile Gagnon pour y mettre ses bureaux. La compagnie deviendra Telus.
Le bâtiment a aussi abrité la station de radio CJBR, en ondes à partir de 1937. Avec son émetteur de 1000 watts, le poste rejoint près de 40 000 foyers dans le Bas-Saint-Laurent. CJBR devient la propriété de Télémédia en 1972, jusqu’à son achat par Radio-Canada. Sur le côté de l’édifice, il est toujours possible de distinguer le sigle de CJBR.
Le bâtiment est de style néo-Renaissance italienne, qui reprend des codes de l’architecture de la Renaissance, directement inspirée de l’antiquité. L’architecture est raffinée avec son entrée encadrée de pilastre, sa corniche et un deuxième étage décoré par un balcon couronné d’un arc en plein cintre et supporté par d’élégantes consoles en volute. Ce bâtiment s’insère dans un le Site patrimonial de l’Ensemble-Institutionnel-du-Centre-Ville-de-Rimouski qui accueille la plupart des institutions civiles, religieuses et entrepreneuriales qui ont marqué le développement de la Ville. Ce bâtiment participe à la qualité architecturale de l’avenue de la Cathédrale.

École moyenne d’agriculture

Le Groupe immobilier GP, propriétaire de l’École moyenne d’Agriculture, a annoncé  sa volonté de démolir le bâtiment.

Cette école ouvre en 1926 grâce aux fonds amassés en collaboration entre le ministère de l’Agriculture du Québec et le Séminaire de Rimouski. Il s’agit de la première école moyenne d’agriculture au Québec. Elle est fondée dans une volonté d’outiller les fils d’agriculteurs aux nouvelles technologies et techniques afin d’augmenter leur qualité de vie, mais aussi, dans un contexte d’exode rural, pour faire en sorte qu’ils restent dans la région, près de leur ferme d’origine. L’école offre une formation théorique et pratique de 2 ans de niveau secondaire, contrairement à l’école de La Pocatière qui offre un baccalauréat en agronomie. Le volet pratique se fait sur un terrain adjacent qui comprend une grange, un atelier de menuiserie, une maison d’employés, une serre, un caveau à légumes, des silos et un cheptel d’animaux. Elle va dispenser une formation en culture maraîchère et céréalière, élevage, menuiserie, mécanique et gestion agricole à près de 708 étudiants. Ernest Lepage, botaniste reconnu originaire de Rimouski sera professeur à cette école. Cette institution sera bien ancrée dans son quartier, notamment en permettant à des habitant·es d’y travailler et d’y acheter des produits. L’école ferme ses portes en 1969 à la suite de la réforme de l’enseignement et l’année suivante, elle est reconvertie en résidence pour prêtres délocalisés en raison de la transformation du Séminaire en cégep. Le bâtiment sera alors nommé Résidence Lionel Roy. En 2011, le CISSS de Rimouski l’occupe quelques années avant de la vendre au groupe GP en 2014, qui ne l’occupera pas.
 
Elle est construite selon les plans de l’architecte Pierre Lévesque, également concepteur du Cégep de Rimouski, ainsi que des Ateliers Saint-Louis. Elle est faite en brique avec un parapet sur lequel la mention École moyenne d’Agriculture est toujours visible. Les bâtiments scolaires de l’époque sont fortement inspirés de l’architecture religieuse: sobre, imposant, avec une seule porte en façade. Cette école fait d’ailleurs partie d’un complexe de bâtiment s’apparentant à un campus qui témoigne de l’importance du secteur de l’éducation dans le développement de Rimouski.